Découverte...

Tout était si simple soudain… Il fait à présent parti d’une agence qui prônait le crime comme "travail honnête". Autant dire que ce n’était pas donner à tout le monde, outre le fait que peu de gens pouvaient aller jusqu’à imaginer une pareille situation comme étant plausible. Il ne savait pas vraiment comment envisager les choses… Après tout était-il seulement apte à tuer quelqu’un ? Non, il ne voyait pas la chose sous un angle technique, planté un couteau dans un morceau de viande, vivant ou mort, n’avait rien de très compliquer en soi… Mais avait-il vraiment le cran de tuer quelqu’un ? Oui, est-ce qu’il en avait le pouvoir ? Il se le demandait bien, après tout ce n’était pas rien. On enlevait un être cher à un plus ou moins grand nombre de personnes, on retirait toute possibilité d’avenir à quelqu’un. A bien y réfléchir l’éducation religieuse qui avait bercé son enfance d’un ton lancinant et toujours répété n’avait servi à rien. Le divin "tu ne tueras point" ne sonnait pas à ses oreilles, il n’avait pas en tête la possibilité de finir en enfer, d’être dans le royaume des âmes damnées. Rien de tout ça, à vrai dire tout ce que lui avait inculqué son père était bien loin, peut-être même cela ne lui avait jamais été véritablement appris. Il n’avait jamais prêté un grand intérêt aux fables bibliques, toute la moral de ces histoires était floue pour lui depuis déjà bien longtemps. Extrêmement longtemps. Toujours ? Il n’en savait trop rien… Et à bien y réfléchir la chose qui l’ennuyait le plus c’était de priver quelqu’un de son avenir, le fait d’enlever quelqu’un de cher à des inconnus ne lui importait que peu. Oui, ça lui semblait terrible de retirer à quelqu’un la possibilité de changer, d’apprendre et de faire de nouvelles choses. Lui retirait toute possibilité futur, le figer en un instant précis de la course du temps. Pourquoi n’envisageait-il pas que la chose ferait souffrir les parents de la victime, ses possibles enfants, toute sorte de membres d’une famille. Peut-être parce que lui-même avait quitté sa famille et les valeurs qu’elle véhiculait depuis déjà longtemps. L’apothéose de l’égoïsme.

Tout était si simple soudain… Je prenais rapidement mesure des différents changements qui venaient d’intervenir dans ma vie. Tout un panel de possibilités jusqu’alors inattendues qui s’offrait à moi. Que faire, mais bon sang que faire ? Le sourire aux lèvres je marchai tranquillement à travers les couloirs dont j’avais les droits d’accès dans cet immense complexe perdu au milieu de nulle part. Un rapide coup d’œil m’indiqua bientôt la présence d’un "confrère". J’entends non par là un assassin mais bien un apprenti qui tout comme moi venait de quitter la vie civile pour découvrir la criminelle. Que pouvait-il bien être en train de faire, de penser ? Oui, c’était une bonne question ça… Qu’est-ce que peut penser un homme dans une telle situation ? Je n’ai jamais vraiment essayé de penser comme un homme, en un sens parce que je trouve que les hommes se privent bien assez souvent de penser ! Oui, le genre masculin a toujours su préserver une part de mystère en concentrant toute son énergie à agir selon des "principes" qui bien souvent sont oublié lorsqu’ils sont mis en conflit avec la perspective de prendre du plaisir. Je ne dis pas que je n’ai jamais moi-même céder à quelques tentations peu avouables par envie de prendre un peu de bon temps, mais j’estime que ma résistance a été jusqu’à présent supérieur à celle de tous les hommes que j’ai connu… Je n’irai pas jusqu’à dire que tous sont de simples bestiaux sans grande valeur moral, mais je ne m’écarte pas trop de cette hypothèse tant elle me parait plausible parfois. Et ce type, là, que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam, peut tout à fait se révéler une exception comme une copie crachée de bien des hommes que j’ai pu côtoyer. Pourvu qu’il ne soit pas machiste… Et à quoi bon espérer ? Après tout un type qui s’estime en mesure de prendre la vie de quelqu’un doit sans doute chercher là une forme de "je suis fort, je tue et sans remords". Les bienfaits du cinéma à gros budget ? J’ai soudain envie de soupirer, pourtant je me force à sourire en approchant de lui.

"Bonjour, dis-moi, tu sais pas où je pourrai trouver des armes ?"

Quelqu’un s’approcha de lui, une femme, à vrai dire il était prêt à parier qu’elle avait tué autant de personnes que lui à ce jour. C’est-à-dire aucun. Elle avait l’air plutôt souriante et le fixer d’une manière qui ne le mettait pas tout à fait à l’aise. Observant une seconde de réflexion, durant laquelle il ne chercha pas à répondre à sa question mais à savoir s’il l’avait bien comprise, il finit par écarquiller les yeux… Avant de se souvenir que ce genre de démonstration n’était pas vraiment des plus efficaces lorsqu’on voulait garder un minimum de crédibilité dans un monde aussi impitoyable que celui de l’assassinat, tout du moins s’il en croyait les quelques films qu’il avait vu sur le sujet. Il s’éclaircit rapidement la gorge comme pour se donner un peu plus de constance. Mais par le Seigneur comment voulait-elle qu’il fut au courant ? Qu’est-ce qu’il en savait lui d’où on pouvait trouver des armes. Il en avait vu plus d’une au Texas, souvent manier par des bas-de-plafond ou des types persuadés que ça compenserait leur impuissance. Mais ici, en France ! Ha ça il se demandait bien où l’on pouvait trouver la moindre arme à feu. Qu’allait-il lui répondre ? Mentir ne servirait à rien de plus qu’à nuire davantage à sa crédibilité. Kane envisagea un instant la possibilité de ne rien lui répondre et de partir comme si de rien n’était, mais se faire des ennemis dans une telle situation n’était pas forcément des plus enviables. Alors, qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir dire ? Dieu, ce qu’il aurait l’air niais en répondant qu’il n’en avait pas la moindre idée. Mais après tout si elle lui demandait c’était que… Et si ce n’était pas le cas ? Si elle lui posait la question tout en connaissant la réponse juste pour savoir si lui le savait. Etait-ce un test ? Allait-on lui sortir qu’il n’était pas assez bon et qu’il pouvait rentrer chez lui ? Kane avait pourtant l’impression qu’on avait mis l’accent sur le fait qu’il était important qu’il n’ait rien de remarquable. On lui avait expliqué qu’ils sélectionnaient des civils parce qu’ils passaient inaperçus dans la foule et qu’en conséquence ils pouvaient se révéler très efficaces. C’était donc ici qu’il devait apprendre, non ?

"Non."

Je le regardai un moment… Juste "non" ? Je restai indécise un moment. Quoi ? Je demande à ce type s’il sait où trouver des armes et il se contente d’un simple "non". Et puis l’air ahuri qu’il a eu en entendant ma question, c’est pire que tout ce à quoi je m’attendais. Non, ce type n’est pas un machiste éhonté qui se permet des remarques à tout bout de champ quant au genre féminin… On dirait plutôt une petite chose fragile au milieu de presses à trois kilobarres, un œuf bercé par des chevaux. Oui, c’était bien l’impression qu’il me donnait en cet instant, désemparé et un rien incapable. A peine, vraiment. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? De la figuration ? Il était là pour compter les boulons ou quelque chose de ce genre ? Aucune idée… A vrai dire lui non plus ne semblait pas en avoir la moindre idée. Qu’est-ce que j’allais lui sortir maintenant. Après tout, tout le monde d’à peu près bien constitué sait que plus une réponse est courte et plus elle écourte une conversation. Il ne veut pas me parler ? Je suis pas assez bien pour lui ? Oui, j’ai remarqué ça aussi, les hommes sont plus loquaces avec les filles qu’ils trouvent attirante. A moins bien sûr qu’il tente désespérément d’avoir l’air de types mystérieux comme on en découvre dans les livres et comme on en voit dans les films. Autant le dire tout de suite, la réalité ne dépasse jamais la fiction en matière de qualité humaine. Les prouesses de ces messieurs sont toujours sublimées dans les productions cinématographiques, sans doute pour compenser quelque chose. Et je n’ai pas l’esprit mal placé en disant cela, bien que je puisse me le permettre tout compte fait. Si les mâles employaient leur langue davantage lors des rapports que pour se vanter de leurs quelques mouvements de bassin, sans doute seraient-ils bien plus efficace entre les draps qu’ils pensent embraser de passion. J’en viens parfois à me demander si le sexisme des hommes ne m’a pas atteint au point que je leur applique la fameuse loi de Newton selon laquelle toute force entraîne une force d’égale importance et de sens sévèrement opposé. Bon… Soit je me barre tout de suite, soit…

"Tu sais où je pourrai trouver quelqu’un qui le saurait ?"

Trouver quelqu’un qui savait où trouver des armes… C’était probablement possible, après tout il y avait des "professeurs" dans cette agence, des personnes chargées de leur inculquer l’art de tuer. Il tenta un instant de se souvenir les quelques petites choses qu’on lui avait dites sur l’endroit. Immédiatement il se tourna vers le département détaché au combat. Oui, sans doute y avait-il des armes là-bas. C’était assez évident à vrai dire, bien que le combat à main nue soit une possibilité, Kane doutait que les assassins se donnent la peine de toujours abattre leurs cibles au corps-à-corps. Et puis… Et puis non ! Il était bête, ça n’était pas là qu’il fallait chercher, il tendit donc le bras vers le bâtiment de la Section Equipement de l’Agence. Ce devait être là-bas que se trouver l’armement. A vrai dire il voyait mal comment une organisation qui formait au crime ne pouvait avoir d’armes dans sa branche équipement, ça lui paraissait pour le moins assez improbable. Autant il était difficile pour lui de s’imaginer quelqu’un porter des armes en France, du fait qu’il était quasiment impossible de s’en procurer légalement – arme de chasse et de tir sportif mises à part, autant il ne s’imaginait pas que ces types-là s’en procure légalement... Quoi que… Qu’est-ce qui leur disait qu’ils n’allaient pas travailler pour ce bon vieux gouvernement français au fond ? Il devait bien y avoir quelques têtes utiles à faire tomber dans le décor bleu blanc rouge. Non ? Bon, Kane n’était pas du genre à s’inventer des théories du complot à toute heure de la journée, il n’avait pas grande opinion quant à l’assassinat de Kennedy, mais il fallait avouer que souvent le pouvoir amène la corruption… Et que dans la corruption on fait parfois le ménage des honnêtes comme des moins honnêtes. Et puis finalement, s’il en croyait les fictions qu’il avait connu sur le thème des assassins, jamais il ne saurait qui l’emploierait. Oui, il serait simplement une main aveugle. Tue telle personne, tu auras telle somme et n’en parlons plus ! Et qui veut qu’on la tue ? Et pourquoi veut-on la tuer ? Qui s’en occupe ?

"Je pense que quelqu’un sera au courant là-bas."

Tiens, il était soudain plus réactif, il occupait l’espace avec plus d’importance le bougre. Je le regardai un instant sans mot dire alors qu’il se retournait, plonger dans ses pensées. C’était assez drôle que de voir cet homme tentait d’être serviable au point d’en avoir l’air soumis. Je restai en retrait, l’instant de l’observer en train d’exposer – très brièvement soit dit en passant – son idée. Alors comme ça il fallait aller dans ce bâtiment là-bas ? Autant dire que personne ne lui avait donné l’autorisation d’aller là-bas et qu’elle n’y était jamais aller. Tentait-il de la faire tomber dans une sorte de piège ? Etait-ce un concours plutôt qu’un examen ? Etaient-ils en compétition les uns avec les autres ? Etait-ce vraiment là tout l’intérêt de la chose ? Les faire s’affronter jusqu’à ce qu’il ne reste que les meilleurs, un tournoi tacite où il fallait s’affronter à l’aide de fourberies et de manipulations peu agiles. Je me le demandai bien, c’était assez improbable mais après tout la situation en elle-même était improbable. Ma question tout comme sa façon d’y répondre n’avait rien d’habituel, rien de commun. Je gardai toujours le silence, ayant la certitude que partir sans demander mon reste dans cette direction n’était pas une idée sensée, même pas une bonne idée du tout. Il me fallait autre chose, une certitude que je ne pouvais obtenir de moi-même, une certitude que je ne pouvais être seule à approcher. Je faisais un pas puis m’arrêter. Est-ce que je ne lui plaisais vraiment pas ou était-il juste trop troubler pour se mettre en tête de me plaire ? Non pas que ça ait risqué de me vexer, c’était simplement une information pour le moins importante quant à la suite des évènements. Et bien il ne restait qu’à tester, je posai doucement ma main sur son coude et le regardait en souriant, puis prit ma voix la plus calme et la plus posée :

"A vrai dire j’espérai que tu pourrais m’accompagner, je n’ai pas vu grand monde depuis que je suis arrivée ici et je me disais qu’un peu de compagnie ne me ferait pas de mal… Bien sûr, si tu as autre chose à faire, ou… Enfin je comprendrai quoi."

Il se rendit bien vite compte de l’aspect plus familier des choses lorsqu’elle se permit de poser une main sur lui… A vrai dire les choses étaient peut-être même un peu trop familières entre eux, depuis le début elle le tutoyer et maintenant le toucher ne semblait pas lui poser de problème. Quelle serait la prochaine étape ? L’invité à boire un verre ou lui planter un couteau dans le dos ? Kane n’en savait rien et il préférait ne pas savoir étant donné la peur qu’il avait de voir sa seconde hypothèse réalisée. Il ne tenait vraiment pas à mourir aussi stupidement. S’écartant d’elle sans la moindre délicatesse, il se mit à marcher en direction de la Section Equipement, pas le moindre signe de gentillesse là dedans. Elle lui proposait de l’accompagner, il acceptait mais en prenant les devant. S’offrant ainsi le loisir de prendre l’espace si cher à son instinct de survie. Une boule se formait dans ses entrailles, il avait peur, et ça risquait de durer un moment. Soudain il se mit à douter, voulait-il vraiment devenir assassin ? En avait-il l’étoffe ? Il se retrouvait avec l’estomac noué du simple fait d’être en compagnie d’une femme un peu trop tactile, pouvait-il espérer être en mesure d’affronter la mort pour aller la répandre ? Rien ne lui sembla soudain moins sûr. Peu importe, il restait la tête haute, bien qu’intérieurement il ne ressentit pas la moindre forme de courage. Il s’agissait de paraître en forme et prêt à agir à la moindre menace, histoire d’éviter que cette femme ne soit trop confiante et ne risque de le tuer d’un coup trop sûr. En fait il tentait juste de coller au mieux du héros télévisuel, le type un peu bourru, pas doué pour les relations sociales mais qui est incroyablement doué en matière de combat. Ca n’était absolument pas le cas et Kane pensait à vrai dire en cet instant là à son ancienne vie, oui, il se rappelait les années passées en famille afin de se donner le courage de continuer. Il fallait bouger, changer, ne plus être celui qu’il avait été afin d’être plus heureux. Changer pour avoir aimé vivre. Et soudain l’idée lui vint qu’il n’aurait peut-être pas du prendre autant d’avance et présenter ainsi son dos à une inconnue.

Il fallait quand même avoir du souffle pour agir comme ça ! Ce type n’était décidément pas loquace et c’était d’un pas furieux que je le rejoignais, pas question que je le suive comme un petit chien, j’allais marcher à son allure et lui à la mienne ! Il se prenait pour qui ce mec ? Décidément, je ne devais vraiment pas lui plaire, il agissait comme si j’étais la dernière des pestes, je n’avais pas été très désagréable jusque là et lui me répondait à peine. Les hommes et leurs idées tordues, qu’est-ce qu’il allait encore m’inventer celui-là ? Qu’il ne fallait pas entretenir de liens trop amicaux avec des personnes qui ne sont sensées être que des relations de travail ? Et qu’il aille se faire foutre, je me serai bien barré à ce moment là s’il n’avait été si handicapant d’un point de vue stratégique de ne pas se montrer reconnaissante. Si je voulais encore qu’il m’aide à l’avenir, il fallait que je me montre reconnaissante dès les premiers temps.

La première impression était souvent celle qui avait le plus d’impact et je verrai sans doute de ce fait toujours ce type comme étant un mufle ! Si jamais je faisais la difficile, je risquai vite de passai pour une chieuse et à partir de cet instant il risquait de ne plus me faire la moindre fleur. Oui, avoir l’air docile mais pas trop, paraître jovial sans pour autant entrer dans le fameux dicton trop bon, trop con. Les personnes trop gentilles sont souvent trop faciles à manipuler et je n’étais pas de ce genre là, je ne tenais pas non plus à ce qu’on me considère comme tel. Il fallait garder une certaine crédibilité, et même si ce type n’en avait aucune de mon point de vue, il fallait admettre qu’il avait répondu à mes attentes.

Si je pouvais bénéficier de ses services à l’avenir, ça ne serait sans doute pas un mal. Je n’étais pas vraiment la plus à même de devenir assassin, je m’en rendais bien compte. Autant je ne m’inquiétais pas trop quant aux armes à feu, autant l’aspect filature et sans froid n’était en aucun cas mon point fort, alors si jamais à un moment il me fallait un soutien, mieux valait que je l’obtienne. Pas que je compte sur lui plus que sur un autre, c’était simplement le premier "étudiant" que je trouvai depuis mon arrivée.